Par Charline JOUINT-LESASSIER - Psychologue et écrivain de « La Naissance d’une Mère » paru aux Éditions Edilivre, mai 2016 - Maman de 3 enfants.
La famille s’agrandit et vous vous interrogez : comment préparer votre aîné(e) à s’adapter à ce changement qui va bouleverser sa vie ?
L’annonce de la grossesse
Vous ressentez un grand bonheur mêlé de stress: comment l’aîné va-t-il prendre la nouvelle? Certes, vous et son père n’avez pas décidé de faire un deuxième bébé pour lui faire plaisir mais parce que vous le désiriez tous les deux. Aucune raison donc de culpabiliser. Il suffit de trouver la bonne manière et le bon moment pour lui annoncer. Inutile de le faire trop tôt, mieux vaut attendre que la grossesse soit bien installée et que s’estompe le risque de perdre le bébé annoncé. Un petit enfant vit dans le présent et à son échelle, neuf mois c’est une éternité ! Dès qu’il saura qu’il va avoir un frère ou une sœur, vous entendrez trente fois par jour : « C’est quand qu’il arrive le bébé ? ». En revanche, au moment venu, prenez soin d’annoncer la grossesse à votre enfant en faisant de ce moment un instant de partage et de joie. Car si agrandir la famille est un projet de couple, c’est tout de même toute la fratrie que ce changement concernera dans quelques mois.
La première chose est de rassurer votre enfant sur l’amour que vous lui portez et qui restera inchangé. Pour lui, l’arrivée d’un nouveau bébé (et ajoutons à cela la fatigue de la grossesse, les préparatifs, les rendez-vous à l’hôpital, l’organisation du départ pour la maternité…etc) est synonyme d’inquiétude. Cette réaction est bien normale, il redoute que vous ayez moins de temps à lui consacrer, il craint que votre amour pour lui diminue, il se sent menacé, en insécurité affective. Soyez attentifs aux signaux qu’il vous envoie, privilégiez la communication, le dialogue. Soyez à l’écoute. Les régressions sont possibles, elles ont pour but d’attirer votre attention comme un signal d’alarme : « moi aussi j’existe, j’ai peur que tu préfères le bébé alors je le redeviens, pour que tu t’occupes davantage de moi ». Montrez-lui qu’il y a dans le cœur des mamans autant de places que d’enfants. Que le bébé qui arrive ne vole pas l’amour porté au précédent. Dites-lui que vous l’aimez autant qu’avant, et autant que le futur bébé.
Préparer l’arrivée avec votre enfant
Je trouve important que vous repreniez durant la grossesse des photos lorsqu’il était dans votre ventre, en lui expliquant la joie que vous aviez ressentie. Reparlez lui de cette période, expliquez-lui comment vous avez préparé son arrivée, combien vous l’avez rêvé, imaginé, aimé avant même qu’il naisse. Il aimera alors sûrement s’impliquer dans les préparatifs. Ne pas se sentir à l’écart et avoir déjà la sensation d’avoir une petite part de responsabilité lui donnera envie d’aimer sa place d’aîné et de découvrir ce bébé. Il peut par exemple vous aider à choisir la couleur des murs de la chambre ou bien encore le premier pyjama que mettra son frère ou sa sœur à la maternité. Il a envie de lui donner une de ses peluches ? C’est une bonne idée. Il sera également fier de participer au choix du prénom en vous donnant son avis. Bien entendu c’est à vous de garder la décision finale mais quel plaisir pour lui de pouvoir donner son avis, ses suggestions! Lisez-lui également des histoires sur ce thème, évoquez des familles que vous connaissez et qui ont vécu l’accueil d’un nouveau bébé et parlez ensemble des sentiments que cette naissance éveille chez lui. Les enfants comprennent mieux les choses quand ils peuvent les relier à la réalité. Petit à petit, il va s’approprier ce futur petit être qui viendra agrandir la famille, comme s’il était presque là depuis toujours. En revanche, mieux vaut ne pas l’impliquer dans la grossesse proprement dite. Assister aux échographies ou aux séances d’haptonomie est une affaire d’adulte, un moment intime du couple. Il est important de garder un peu de mystère et de secret.
Le grand moment est arrivé. Lors de la première rencontre à la maternité, faites-en sorte que ce moment ne soit rien qu’à vous. Privilégiez un instant où bébé est calme, où vous n’avez pas d’autres visites ni examens. Réunissez toute la fratrie s’il y a plusieurs enfants. Il va enfin découvrir en vrai ce bébé mystérieux dont il entend parler depuis des semaines... Laissez-le s'approcher en lui expliquant qu'il faut avoir des gestes doux car lé bébé est fragile. Il est intimidé ? C'est normal ! S'il en a envie, proposez-lui de s’asseoir et de le prendre dans ses bras. Il hésite ? Ne le forcez pas, ça viendra. Il semble indifférent ? Ne vous inquiétez pas. C’est un instant rempli d’émotions pour lui, qu’il le montre ou non. L’essentiel est de le valoriser. Pour cela, vous pouvez lui offrir un petit cadeau pour célébrer son statut de grand frère ou grande sœur. Quoiqu’il en soit, le contact visuel est primordial et le contact physique l’est tout autant (même si votre enfant ne veut pas porter le bébé, invitez-le à lui faire une petite caresse, à le toucher délicatement, à l’embrasser).
Donnez à votre enfant des responsabilités pour qu’il sente qu’il a un rôle à jouer. Par exemple, demandez-lui d’aller chercher un bavoir pour le bébé ou sa tétine/son doudou. Montrez-lui comment porter le bébé. Offrez-lui une poupée avec des vêtements afin qu’il puisse vous imiter lorsque vous vous occupez du bébé. Soulignez l’importance de son nouveau rôle en tant que grand frère ou grande soeur. Toutefois, ne le complimentez pas seulement sur ce sujet. A la naissance du petit frère ou de la petite sœur, il y a bien assez de changements dans l’organisation familiale, inutile de lui répéter à longueur de journée qu'il est désormais le plus grand : votre aîné l'a très bien compris et c'est justement cela qui lui pose problème. En sa présence, évitez que vos conversations ne tournent exclusivement autour du nouveau-né. Et prenez soin de bannir les comparaisons entre vos enfants, surtout si celles-ci sont toujours en faveur du plus petit. N'oubliez pas qu'il s'agit de deux êtres biens distincts, inutile donc de les mettre en compétition. Et laissez votre aîné vivre comme un enfant de son âge. Ce n’est pas parce qu’il est devenu le plus grand qu’il faut lui demander de penser en « grand ». Permettez-lui de rester petit !
Mes enfants ont beaucoup aimé recevoir des petits cadeaux de la part des personnes qui venaient voir (et donc gâter) le bébé. Pas grand-chose, des attentions très simples, des « petits-rien » qui leur permettaient de se sentir importants, qui les faisait exister à part entière. Oui il est normal de célébrer un bébé qui vient de naître, mais il est essentiel de célébrer aussi la famille qui s’agrandit en ayant un petit geste affectueux pour les aînés. Cà ne coûte rien mais çà fait beaucoup, dans leur tête d’enfant.
Comprendre ses émotions pour mieux les gérer
Le sentiment fraternel fait de complicité et de solidarité tel que tous les parents le rêvent n’est pas donné d’emblée, il se construit. Quand le nouveau-né arrive à la maison, il est un intrus pour l’aîné. Au fur et à mesure des premiers jours, acceptez que votre enfant ne ressente pas toujours de l’amour envers ce bébé. Respectez ses émotions, la jalousie est normale et souvent saine. Laissez-le créer du lien doucement. Attirez son attention sur la façon dont son frère ou sa soeur réagit aux voix, aux grimaces, aux câlins... Faites-lui remarquer la réaction du bébé lorsque les gestes sont faits avec douceur. Essayez très tôt de commencer à susciter entre eux un lien affectif complice mais laissez-le aussi exprimer ses émotions de tristesse ou de colère lorsque cela est nécessaire. Encouragez-le à verbaliser ce qu’il ressent, les émotions positives comme les négatives. Il est courant aussi que l’aîné vous teste davantage durant cette période, repousse les limites, fasse des bêtises, transgresse les règles. Mettez vous à sa hauteur, à sa place. Soyez compréhensifs, patients et bienveillants. L’agressivité, la jalousie, la régression sont normales durant cette période et passagères. La régression se traduit généralement par un retour au biberon, à la tétine, au pouce, par la demande incessante « des bras » ou par des accidents au niveau de la propreté, si elle avait déjà été acquise. Mais il faut comprendre que la tentation est grande de " redevenir tout petit ", essayez de rester indulgente face à ces comportements, ne le grondez pas: aussi paradoxal que cela puisse paraître, régresser peut parfois aider à grandir. C’est en quelque sorte un passage avant de faire le grand saut vers le monde des aînés !
Autre point essentiel, passez du temps avec votre aîné, en tête à tête. Pour l’enfant, le temps c’est de l’amour. Parlez ensemble, cajolez-le, participez à son activité préférée... Rappelez-vous que le plus important est de passer avec lui un temps de qualité, pendant lequel vous êtes entièrement disponible. Il sera ainsi rassuré de l’amour que vous lui portez. Faites des activités en famille. Même si le bébé n’est pas un participant actif et qu’il demeure dans le porte-bébé tout au long de l’activité, cela renforce le sentiment d’appartenance à la famille. Lisez des livres ensemble, jouez, riez, cuisinez… La famille, la fratrie est une source de joie, de fête. Transmettez ce message, soyez l’exemple. J’aime dire cette phrase extraite de mon livre « Soyez heureux. Si vous l’êtes, alors vos enfants le seront aussi. »
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